Je me souviens d’une balade en bateau que nous avions faite, ma mère et moi, probablement en Gaspésie, où nous avions vu sur la rive, perché sur un arbre mort, un immense aigle royal. Vraiment immense. Ayant quand même l’habitude des oiseaux (ma mère peut imiter pratiquement toutes les espèces), nous étions fort impressionnées. Une Française s’était exclamée : « Oh! Une buse! »… Et ma mère de rétorquer, la bouche grande ouverte : « Euh, non, c’est pas une buse ça! ». Il me semble qu’il ne s’était même pas envolé, l’aigle, et qu’il s’était contenté de nous laisser deviner la puissance de ses ailes et de ses serres, l’œil clair, vissé sur nous.

Magnifique oiseau, magnifique nature. Mais quel air hautain, tout de même, avec ses yeux et cette impression de prestance. Certains aigles saisissent des tortues au sol pour ensuite les laisser tomber de je ne sais quelle hauteur afin de briser leur carapace; c’est super méchant! Imaginez la pauvre tortue en chute libre… J’imagine un cri suraigu et une grande incompréhension.

Voilà. J’aime les animaux, mais les aigles, même s’ils sont majestueux, je les trouve un peu fendants. Je suis plus de type loutre; certains diront que les loutres sont aussi méchantes, mais elles rient et jouent sur la glace.

Tout de même, je n’ai pas vraiment écrit une chanson sur les aigles, malgré ce titre trompeur. On connait tous de près ou de loin quelqu’un qui s’en permet côté attitude, bien installé dans le confort du mépris… Je vous laisserai donc sur ce texte évocateur de Benjamin Franklin concernant le choix de l’animal-totem des États-Unis (vous comprendrez peut-être qu’il me paraissait malgré tout étrange d’écrire une chanson sur les dindes).

« Je préférerais que l’aigle ne soit pas choisi comme symbole de notre pays, c’est un oiseau à moralité douteuse, il ne gagne pas sa vie honnêtement, vous le voyez perché sur un arbre mort, d’où, trop paresseux pour pêcher par lui-même, il surveille le labeur d’un autre oiseau pêcheur… et lorsque ce respectable oiseau a enfin capturé un poisson et l’amène à son nid pour nourrir sa moitié et ses petits, l’aigle à tête chauve le poursuit et lui vole sa prise… De plus, c’est un lâche, le petit kingbird, pas plus grand qu’une hirondelle, l’attaque sans crainte et le vire de son territoire. Par conséquent, l’aigle ne peut être un emblème de l’Amérique. À titre de comparaison, la dinde est un oiseau bien plus respectable, et un vrai natif de l’Amérique… Un oiseau courageux qui n’hésiterait pas à attaquer des grenadiers anglais… »

L’aigle perché

Perchée, les serres dans le bois, j’essaie de percer l’aube
Le vent entre mes plumes me fait croire à la liberté
Mon iris est excellent, quand je vise, je prends ma proie
Ça me fait croire que tout se peut, tout est permis, tout est à moi
Et pourtant l’arbre qui me tient est pourri jusque dans le cœur
Je ferme les yeux et j’attends que quelqu’un trouve l’erreur

Qu’est-ce que j’attends pour m’envoler ?
Qu’est-ce que j’attends pour partir ?
Y a tu une patch pour guérir d’aimer regarder le monde d’en haut ?