Voilà une chanson un peu plus âgée que les autres qui a déjà été jouée quelques fois en spectacle. Elle a été écrite à l’automne 2011 dans ce moment houleux où mon amoureuse s’envolait au Japon pour penser à son affaire. Cet automne-là, Feist sortait son album Metals et le mois de novembre était de soleil et de ciel bleu; autant de baumes pour aider à traverser le calvaire.
Le soir de son départ, deux de mes amis ont décidé de me prendre en main pour que je me noie le moins possible. Il faut dire qu’ils avaient sorti l’artillerie lourde : pièce de théâtre, excellente bouteille de vin et tartare au resto, mais surtout bière au L’Barouf pour fermer les livres. Nous étions éméchés, heureux d’être ensemble, j’avais oublié d’être pessimiste, et entre deux blagues de mauvais goût, alors que nous étions évachés sur une des banquettes du bar, Mick Jagger s’est mis à chanter « Wild Horses ». Doucement, nous sommes passés de flaques à éponges, puis à cocon.
Wild horses couldn’t drag me away, wild horses, we’ll ride them someday.
C’est fou tout ce qui nous constitue et qui, d’une certaine manière, nous trahit… Ceux qui nous suivent et nous connaissent comprennent et, peut-être, prévoient nos réactions, nos actes, à un point même où on finit parfois par se conformer à ces attentes. Il y a quelque chose d’attirant dans l’idée de se confronter à des inconnus qui ne connaissent rien de nous; peut-être qu’alors, vraiment, on devient actuel. Reste que les bras des amis qui se serrent quand plus rien ne tient, ça ne vaut aucun regard neuf.
Chaque printemps, les sakuras japonais fleurissent devant des milliers de regards ébahis; qui sait quand ce sera le mien qui contemplera ces bijoux de près ?
Les fleurs des cerisiers
Tu es partie hier, tu es partie longtemps
Pour traverser le monde, débloquer tes œillères
Tu as dit : laisse-moi vérifier si je t’aime de loin, si je choisis de rester demain
Et depuis, sur ta route, tu te trouves, tu doutes
Et tu vois ton reflet dans les yeux d’étrangers
Qui n’ont pas eu accès à tout ton toi d’avant
Celui-là qui nous ride, nous marque, nous vend
Non, ne te perds pas, les rues là-bas n’ont pas de nom
Non, ne m’oublie pas, les fleurs des cerisiers s’envoleront
Jusqu’à moi
Je suis tombée hier, je suis tombée longtemps
Après une ou deux rondes, tout est devenu clair
Je pensais butiner, vérifier si je t’aimerais moins
Si mon cœur avait brûlé pour rien
Et depuis, c’est l’automne, je t’attends sous les feuilles
Je te vois dans le ciel éclairé de faisceaux
Qui balaient les tempêtes et chassent les oiseaux
Ceux-là qui ont compris et vont où il fait beau
Non, ne te perds pas, les rues là-bas n’ont pas de nom
Non, ne m’oublie pas, les fleurs des cerisiers s’envoleront
Jusqu’à moi