Pour répondre à la menace du piratage, l’industrie de la musique s’est lancée dans une guerre psychologique contre les corsaires… Messages publicitaires touchants, dons de disques promotionnels, concept open disc et bien d’autres stratégies pour maintenir la vache à lait. Ces belles initiatives ont peut-être sauvé l’amour de l’objet, mais n’ont certes pas empêché les internautes de partager leurs coups de coeur sur l’autoroute du WEB. Selon Guillaume Déziel, gérant du groupe Misteur Valaire, les ventes de disque au Québec sont en chute libre depuis bientôt dix ans. Une chute libre qui, selon toute vraisemblance, ne ralentira pas de si tôt. C’est ce qui fait dire à tout le monde que nous assistons présentement à une importante crise dans l’industrie du disque.
Pierre Marchand croit plutôt à une refonte complète de l’industrie. Certains joueurs perdront au change, c’est inévitable, mais l’industrie n’est pas en train de disparaître : elle s’adapte. Je suis tout à fait en accord avec lui et je pense bien que Guillaume Déziel aussi. La preuve étant la réussite de la mise en marché de son groupe, centrée sur le don de l’album comme moteur économique. Une réaction drastique et suicidaire, selon certains, qui répond à une nouvelle demande ; la demande de découvrir, de posséder une quantité formidable de musique, de connecter avec l’artiste, de consommer au moindre coût ! Et cette demande est réelle parce qu’elle est accessible… malgré ce que les producteurs et les artistes font : les internautes partagent !
Je ne ferai pas ici le portrait de Misteur Valaire, mais je vous invite fortement à visiter le blog de Guillaume Déziel pour avoir plus de détails. Ce que je dirai c’est que le don de leur dernier opus n’a en aucun cas altéré les ventes de l’album physique, aux dires d’Annie Cantin de Outside music.
Lors du débat qui avait lieu jeudi dernier au Latulipe, Pierre Marchand aurait pu défaire les arguments de Guillaume Déziel en insistant sur l’aspect unique de cette expérience. Il a plutôt insisté sur la gratuité et le droit à la rémunération de l’artiste, en ne tenant pas compte des chiffres présentés qui indiquaient clairement un rayonnement grandissant de la musique de Misteur Valaire et inévitablement, l’augmentation des profits. Mais il s’agit quand même d’un groupe isolé, je crois donc que nous assistons à un heureux événement, mais la solution n’est peut-être pas encore révélée.
Ce qui est beau, c’est que l’équipe de Misteur Valaire ne considère pas sa musique comme un produit à rentabiliser immédiatement, on assiste plutôt à un réel investissement à long terme. C’est de cette manière que nous avons, mon équipe et moi, abordé notre vision du don. Contrairement à ce que monsieur Marchand exprimait, je considère que donner ma musique n’est pas lui enlever de la valeur. Au contraire… Je considère ce don comme un investissement intense dans mon projet. Ce que je veux avant tout, c’est que ma musique soit écoutée : je ne serai jamais payée à ma juste valeur tant que je n’aurai pas taillé ma place.
Mais… car il y a un mais dans mon plaidoyer… Il est vrai que donner sa musique peut devenir dangereux dans la mesure où ce à quoi nous faisons face aujourd’hui est carrément la dévalorisation de la culture. Les consommateurs sont prêts à investir des fortunes dans des lecteurs MP3 tous plus performants les uns que les autres, mais quand il est question de le remplir, la musique ne figure pas sur le compte des dépenses. Elle n’y figure pas parce qu’elle est accessible sur internet. Ce que je fais, ce que Misteur Valaire fait, c’est prendre le train déjà en marche et tenter d’en tirer profit. Quand quelqu’un télécharge mon album, je demande une adresse courriel en échange pour pouvoir être en contact avec cette personne et créer ainsi un réseau grandissant pour la publicité des spectacles. C’est très beau à dire, mais il est vrai que si tout le monde donne sa musique, ne sommes-nous pas en train de donner raison aux avares mélomanes ?
Lors du débat, Pierre Marchand soulevait qu’avant l’apparition du disque compact, le marché du disque était axé essentiellement sur le single. Beaucoup de long-jeux étaient en vente, mais selon lui, le single dominait le tableau. Quand le disque compact est arrivé, le consommateur s’est vu obligé d’acheter à coût plus élevé l’album complet de l’artiste. Les producteurs, morts de rire, vendaient plus cher des albums moins coûteux à produire. Comme dit si bien Pierre Marchand, le champagne coulait à flot dans les partys… Mais aujourd’hui, les sites comme itunes ramènent le single sur la carte : on peut choisir sa chanson favorite sans se taper tout le disque : c’est carrément un retour à la case départ !
En tant qu’artiste émergente, je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour émerger ! Donner ma musique n’est pas un acte désespéré, il est assumé et extrêmement réfléchi. Mais c’est quand même triste d’être rendu là…
Qu’est-ce qu’on fait !?